Mise à jour janvier 2014

Article élaboré suite à la table ronde que nous avons organisée en décembre 2013 sur ce thème, choisi par Martine VAUTRIN JEDIDI, conseillère élue à l’Assemblée des Français de l’étranger, à la suite des demandes d’information reçues de personnes qui s’adressent à elle dans l’exercice de ses fonctions. Merci à Maîtres Monia SFAXI et Abdelfatah BENAHJI ainsi qu’à l’assistance, qui nous ont si bien éclairés par les expériences, les questions et les réponses, à la fois sur les textes juridiques et sur les pratiques effectives.

Textes et conventions

Les textes régissant le droit du travail sont:

  • Le code du travail
  • La convention cadre
  • Les conventions collectives sectorielles

Le code du travail s’applique à pratiquement tous les secteurs d’activité (industrie, commerce, agriculture, professions libérales, artisanat, coopératives, sociétés civiles, syndicats, associations et groupements de toute nature).

Les conventions collectives:
->  sont des accords conclus entre des employeurs organisés en groupements et un ou plusieurs syndicats de travailleurs
->  sont sectorielles et existent à peu près dans tous les domaines (industrie, tourisme, assurances, banques, …). Il en existe environ une cinquantaine.
->  s’imposent sauf si le contrat signé entre l’employeur et l’employé comporte des clauses plus favorables à l’employé que celles de la convention.

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Le contrat de travail en général

Le contrat de travail est un lien entre un employeur et un employé. L’employé est soumis à une subordination juridique vis-à-vis de l’employeur, sous la direction et le contrôle duquel il travaille.

La durée hebdomadaire du travail est de 48 heures en droit commun, de 40 heures dans certaines conventions collectives, éventuellement moins suivant les clauses particulières des contrats.
Deux contrats de droit commun sont courants : le CDD – Contrat à durée déterminée et le CDI – Contrat à durée indéterminée. [1]

Contrat verbal, attention : si une personne commence à travailler pour un employeur sans écrit, l’engagement est considéré comme verbal et peut être prouvé par tout moyen (feuilles de paye, témoignages …) [2]. La personne se trouve alors légalement en CDI, titulaire dès le premier jour sans période d’essai.

Contrat écrit : il doit fixer:

  • la qualification
  • les tâches à effectuer
  • la rémunération
  • la durée (48 heures / semaine, dans certains cas 40 heures / semaine)
  • les conditions de travail, la discipline, …
  • les cas de résiliation (faute professionnelle, rupture amiable, …)

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Le CDI – Contrat à durée indéterminée

Comporte une période d’essai :

  • 6 mois renouvelable une fois, pour les personnels ordinaires
  • 9 mois renouvelable une fois, pour les personnels moyens
  • 12 mois renouvelable une fois, pour les cadres.

Pendant la période d’essai, il peut être mis fin au contrat sans indemnité.

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Le CDD – Contrat à durée déterminée

Il est nécessairement écrit.
Depuis 1996, suite à des nécessités de flexibilité de l’emploi, il a été créé deux types de CDD.

CDD lié à la tâche à accomplir

Exemple: pour un lot de chantier.
Pas de limite dans le temps, expire à la fin de la tâche.

CDD limité dans le temps

Exemple: 8 jours.
Renouvelable plusieurs fois jusqu’au maximum total de 4 ans.

Périodes d'interruption, périodes de 4 ans successives

Important

  • Les employeurs cherchent à faire se succéder : 4 ans d’emploi, période vide, 4 ans d’emploi, etc., ce qui est illégal si l’interruption n’est pas véritable, c’est-à-dire d’une durée supérieure à 6 mois.
  • Au bout de six mois la personne ne peut être réembauchée par le même employeur sur un CDD que si elle s’est inscrite au bureau de l’emploi à l’issu du précédent CDD, qu’elle n’a pas trouvé d’autre emploi et qu’elle demande son recrutement.
  • Si au bout de 4 ans la personne reste en poste, elle est obligatoirement titularisée sur un CDI écrit précisant qualification, catégorie, etc. La titularisation doit être confirmée par écrit.
Priorité à l’embauche en fin de CDD
  • Dans presque toutes les conventions collectives du secteur industriel, depuis 2009, l’employé en fin de CDD jouit d’une priorité d’embauche dès la fin de son contrat et pendant les 6 mois qui suivent.
  • Il doit postuler par lettre recommandée et l’employeur est soumis à l’obligation de renouveler le contrat.
  • Si l’employeur ne respecte pas la convention, ou bien l’employé obtiendra d’être effectivement réembauché (tribunal), ou bien, si par exemple quelqu’un d’autre a été embauché à sa place (on ne peut pas le licencier), il obtiendra des dommages et intérêts : 1 mois à 6 mois par année de service + préavis.

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Étrangers, contrats spéciaux

L’emploi de travailleurs étrangers est régi par les dispositions réglementant l’entrée, le séjour et le travail des étrangers en Tunisie [3]. Dans ce cadre, « Le recrutement d’étrangers ne peut être effectué lorsqu’il existe des compétences tunisiennes dans les spécialités concernées par le recrutement » [4].

Expatriés

  • Contrats d’une année spéciaux, renouvelables une seule fois (dans les faits, sont renouvelés plus d’une fois), qui doivent être visés par le service de la main d’œuvre étrangère du ministère de l’emploi.
  • L’étranger qui veut exercer un travail salarié doit être muni d’un contrat de travail et d’une carte de séjour portant la mention « autorisé à exercer un travail salarié en Tunisie ».[5]
  • Il ne peut être embauché que si aucun Tunisien de même qualification et correspondant au profil exigé n’a postulé à cet emploi.
  • C’est l’employeur qui fait les démarches (et qui quelquefois recule devant la complication).

Français conjoints de Tunisiens

En application de la convention bilatérale, ils peuvent, de droit, travailler en Tunisie, sur des contrats indéfiniment renouvelables, même si leur droit au travail n’est pas inscrit sur leur carte de séjour.

Zones franches (entreprises de la loi de 72)

Les sociétés totalement exportatrices peuvent employer des CDD spéciaux renouvelables sans limite dans le temps et sans accord préalable du ministère du travail.
Ces contrats s’appliquent même aux employés tunisiens.
(La loi satisfait au besoin de flexibilité de ces entreprises)

"Contrats locaux"

Dans les entreprises étrangères en Tunisie – notamment françaises.
Jouissent d’un statut particulier pour les impôts et les caisses de sécurité sociale.

La négociation de ces avantages est rendue possible par le fait que les personnes ne sont recrutées que parce qu’il n’existe pas de Tunisiens qualifiés pour ces emplois. Par exemple: employés en Tunisie du Ministère français des affaires Etrangères.

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  • Il est nécessairement écrit (pour protéger l’employé: s’il n’est pas écrit, il se transforme en CDI dès le premier jour du travail, voir “contrat verbal”)
  • Il peut être un CDD ou un CDI
  • Le temps de travail doit être inférieur à 70% du temps plein (70% de 48 heures ou de 40 heures suivant les cas)
  • Si des heures supplémentaires s’ajoutent, le temps total doit être inférieur au temps plein
  • Rémunération : au prorata du temps de travail. Cas particulier de la Fonction publique : pour les mères d’enfants de moins de 16 ans, possibilité d’un mi-temps avec rémunération à 70%.̶
  • Cas particulier des mères d’enfant handicapé : les heures normales + heures supplémentaires ne peuvent excéder 48 heures.
  • Interdiction à l’employé de cumuler un poste à temps partiel avec un poste à temps plein (chez un autre employeur).
  • L’employé conserve ses droits à la promotion et jouit d’une priorité à l’embauche chez son employeur pour un poste à temps plein si vacant (exemple : mère de famille dont les enfants ont grandi, qui souhaite réintégrer un poste à temps plein).

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Contrats saisonniers et occasionnels

Travail saisonnier

Ce sont des CDD spéciaux pour une saison : 6 mois, 4 mois ou 1 mois, qui ne permettent jamais la titularisation.

Travailleurs occasionnels (BTP, pétrole, …)

Ils sont perpétuellement en CDD, tant que dure le chantier, n’ont pas de protection sociale et ne peuvent bénéficier que d’un préavis de 8 jours.

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Congés payés

En droit commun : 1 jour ouvrable par mois travaillé, soit 12 jours par an, + majoration d’un jour par année d’ancienneté +1 jour pour une maternité, avec un plafond de 18 jours. Ne sont pas comptés les 10 jours fériés chômés ni les jours de repos hebdomadaires qui peuvent s’insérer et s’ajouter dans le congé annuel.

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Fin ou rupture du contrat

Fin du CDD

Le CDD prend fin à son échéance.

Si l’employé continue à travailler à l’échéance du contrat sans signature d’un nouveau CDD écrit, il est dès le premier jour titularisé en CDI (voir : contrat verbal).

S’il y a licenciement avant l’échéance du CDD, l’employeur envoie une lettre de préavis conformément à la clause prévue dans le contrat ou dans la convention collective sectorielle ou à défaut par le code du travail qui prévoit un délai d’un (1) mois, précisant la cause du licenciement.

Fin du CDI

A la suite d’un licenciement

Le CDI peut prendre fin à la suite d’un licenciement, avec lettre de préavis conformément à la clause prévue dans le contrat ou dans la convention cadre. S’il n’existe pas de convention et que rien n’est prévu dans le contrat, alors c’est un (1) mois de préavis comme prévu dans le code du travail, la cause devant être réelle et sérieuse, sinon il s’agit d’un cas de rupture abusive.

Par accord des parties.

Le CDI peut également prendre fin par accord des parties.

Rupture abusive, indemnités

En cas de rupture abusive, l’employé peut s’adresser à la justice pour indemnisation.
Dix motifs de fautes graves sont énumérés dans le code du travail (vol, ébriété, …). Le juge apprécie le caractère réel de la faute.

Si le licenciement est abusif, l’indemnité est de :

  • Pour un CDD : les mois restant dus + dédommagement en cas d’absence de préavis
  • Pour un CDI : le travailleur pourra prétendre :
    — à des dommages et intérêts qui varient entre le salaire d’un mois brut à 2 mois par année d’ancienneté sans que cela ne puisse excéder le salaire de trois mois
    — à une gratification de fin de service qui est égale à un jour de salaire par mois de service sans que cela ne puisse excéder trois mois de salaires.
    — L’existence et le degré du préjudice sont appréciés par le juge qui prend en considérations plusieurs facteurs dont l’âge, la situation familiale, l’ancienneté ou de l’impact du licenciement sur son droit à la retraite.

Licenciement sans préavis

  • En cas de licenciement sans préavis, même pour faute grave, l’employé peut prétendre à une indemnité de 2 à 4 mois de salaire.
  • Les requêtes doivent être adressées au Conseil des prud’hommes, par le salarié ou par un avocat, dans un délai d’une année.

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Recours en cas de non respect du droit par l’employeur

  • Il y a trois niveaux de recours : gracieux, hiérarchique, pour excès de pouvoir.
  • L’employé a intérêt à s’adresser aux syndicats, avec ensuite recours devant le conseil des prud’hommes, qui en général aboutit. Sinon, s’adresser à un avocat qui poursuivra les recours légaux et obtiendra gain de cause.
  • D’une manière générale, l’UGTT est puissante, notamment dans les zones industrialisées (Ben Arous, Sahel, …). Sous la pression conjuguée de l’inspecteur du travail et de l’Union régionale du travail (UGTT), les employeurs sont contraints de respecter la loi..

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Chômage

  • Il n’y a pas d’allocation chômage en Tunisie (il existe un dispositif mis en place en 1997, qui n’a jamais été appliqué).
  • Ni, bien entendu, d’allocation française qui serait versée à des Français en chômage en Tunisie. A l’exception du secteur des services dépendant de l’ambassade de France : leurs employés cotisent au GARP (service français de recouvrement pour les ASSEDIC et d’assurance chômage)

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Formation continue

  • Il n’y a pas de dispositions dans les contrats pour la formation professionnelle.
  • Mais il existe des possibilités de formations : l’employeur peut payer à son employé des frais de formation, amortis sur 4 ans. La loi dispose que les employeurs doivent favoriser la formation continue…

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Professions libérales

Il est difficile d’exercer pour un étranger (médecins, vétérinaires, barreau, …)
Pour les médecins : il faut un agrément du ministère de la santé pour exercer, même en libre pratique. Pour certaines spécialités, le ministère ne le donne pas.

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Pour informations supplémentaires, voir:

[1] ARTICLE 6-2 DU CODE DU TRAVAIL ajouté par la loi n° 96-62 du 17 juillet 1996
[2] ARTICLE 6 DU CODE DU TRAVAIL modifié par la loin n° 96 -62 du 17 juillet 1996
[3] Loi n° 65-28 du 24 juillet 1965 relative à la main d’œuvre étrangère
[4] Article 258-2 du code du travail
[5] Article 258-2 du code du travail ajouté par la loi n° 96-62 du 15 juillet 1996
[6] Article 94-2 du code du travail ajouté par la loi n° 96-62 du 15 juillet 1996
[7] • Décret n° 1968-198 du 22 juin 1968 réglementant l’entrée et le séjour des étrangers en Tunisie
• Loi n° 85-108 du 6 décembre 1985 portant encouragement d’organismes financiers et bancaires travaillant essentiellement avec les non résidents
• Loi n° 93-80 du 26 juillet 1993 relative à l’installation des organisations non gouvernementales en Tunisie

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Marie BOUAZZI

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