Quatre jours : « What a difference four days made. »
C’est pour ceux qui se souviennent de la Route de Madison ; il peut se passer une vie, une éternité en quatre jours. Et c’est ce qui nous est arrivé, aux 33 participants de l’escapade dans le Sud, membres de l’ADFE qui dispose d’organisatrices super classe.
J’ai vu à l’œuvre Dominique, Marie-Claude et Brigitte qui a déjà organisé bien des voyages proches ou lointains, Iran, Népal, Afghanistan !
Alors le car nous a enlevés de nos lits vers cinq heures puisqu’il fallait le rejoindre à six heures pour éviter les encombrements et pour être sûrs de partir à 6h 30 : il faut bien un petit délai et nous ne faisons pas encore un groupe, en tout cas pas uni. C’est peu à peu que les liens se tissent ou se retissent.
Jeudi
Rien de trop à signaler le jour du voyage si ce n’est d’avoir parcouru les oliveraies du Sahel, fait quelques haltes bien nécessaires. Mais il faut bien avaler six cents kilomètres pour le point le plus éloigné : Tataouine au Sangho oh oh !
L’arrivée à 17h a permis de se faire une idée d’un hôtel sympa dispersé en petites maisons difficiles à atteindre mais aussi à quitter, pour d’autres raisons. Malgré les pancartes on s’y perd et gare aux larges marches. Problème d’orientation et problème ensuite de nostalgie. C’est ce que j’appelle la difficulté à quitter.
Surtout qu’il y avait une piscine bien accueillante qui nous a accueillies, Brigitte et moi. Brigitte, la conceptrice du voyage et la plus audacieuse, la seule qui ait plongé, les autres étant happés par le charme de l’hôtel.
J’aurais voulu faire comme elle mais j’avais trouvé une demeure où tout était allumé : le chauffage, la lumière et la télé. Cela intime l’ordre de rester et s’amollir avant le repas.
Au matin commencent les choses sérieuses. C’est déjà le lever à 7h pour déjeuner et partir à 8h30.
Je me demandais quand viendrait l’oasis, le plus attrayant des lieux de vie (mais déjà les palmiers nous encadrent). Ce fut fait à Ksar El Soltane où surgit la découverte de ces ingénieux greniers et petites maisons.
Mais surtout, plus tard, dans le sillage de Chénini, il y aura le Reg et l’oasis . Ça se mélange dans mon esprit. A plus forte raison le bonheur vient à l’arrivée au “Paradis”, le campement assez bien nommé à Médenine.
La première nuit a convenu à tous, sauf pour une chambre où le chauffage ne fonctionnait pas et où il a fait 13°, mais par ailleurs tout marchait : quelques voyageuses ont marché et d’autres ont admiré les aloès et les arbres dont les palmiers, nos premiers palmiers. Et n’oublions pas le coucher de soleil un peu rapide.
Vendredi
On a circulé dans les ghorfas en les scrutant sous tous les angles. On était étonnés qu’y subsistent des traces d’occupation de type squat avec reliefs de repas et cigarettes. Mais l’émotion était vive au vu des solives en bois d’olivier.
Que restait-il à faire? Passer par Médenine et par Toujen dans un hallucinant assemblage de monts rocheux où serpente vaille que vaille une route accidentée. Bravo à la zénitude du chauffeur dans le brouillard ou sur une partie sableuse. Il a fallu réquisitionner des bras d’hommes pour rétablir un passage.
Plus tard, dans le campement, au paradis, le repas sera pris en commun autour d’un feu de branches de palmiers. Nous avons formé un cercle pour chanter en arabe ou en français ou même, avec des Italiens, en italien. C’était un public assez international et diversifié. On s’est mué en un groupe plein d’empathie et le sommeil sous la tente n’a été troublé que par mon ronflement incessant… passons… mais pas par le froid car nous étions bien équipés – je dirais suréquipés.
Après cette nuit assez étrange où certains n’ont pas fermé l’œil, pris par le désir de méditer ou raconter sa vie, on était fin prêts pour la troisième journée.
J’ai mélangé deux belles journées, on s’emmêle souvent les pinceaux dans le sable et le brouillard.
Je voudrais être une conteuse savoureuse pour dire les méandres entre Tataouine (où l’on a fait retour pour… un chargeur) et Médenine, Gabès en passant par la route toute savoureuse, un peu dangereuse, mais magique par la stupéfiante beauté vers et à Toujen où se méritait – après de hautes marches – le thé au thym et, pour les bonnes bourses, des tapis tressés à la main.
Chénini… Matmata… je m’y perds … on perd de toute façon le Nord.
Il y a eu ce passage étonnant par une maison enfouie dans la terre où les femmes de Médenine vendent des choses ou montrent les lieux pour quelques pièces.
Aux abords, il y avait trois espaces réduits accueillant une prière ou un silence : une petite hutte de branches de palmiers et feuillage avec un tronc pour s’y asseoir, une tente brun foncé avec quelques places aussi sur un tronc et enfin une construction en une sorte de cellule terreuse pour y jouer au philosophe tel Diogène, Socrate. On ne peut s’y asseoir que seul ou peut-être à deux !
Ce sont les lieux de mes pauses secrètes puisque j’hésite à franchir le seuil des gens ou de familles inconnues.
Ce rapport n’est pas un échange véritable puisqu’on s’attend à donner / recevoir des sous.
Mais je dépasse le vécu des voyageurs de notre car qui étaient enchantés de cette halte. Sauf que, pour une halte technique, il a fallu un autre arrêt dans les sables traversés de murs.
CONCLURE
A chaque jour suffit sa joie. Surtout les trois jours pleins de visites et de conversations, le vendredi, le samedi et le dimanche du retour, bien bavard mais en la profondeur d’amitiés naissantes et renaissantes pour ceux et celles qui se connaissaient déjà : plusieurs grands voyageurs comme Najet, Khédija, Marie-Claude et bien sûr Brigitte qui prépare, trame et fomente de jolis, de merveilleux moments où qu’elle aille, Iran, Népal, Pétra, et bientôt, Tachkent, Samarkand…
Mon Dieu, que de merveilles sur une terre si menacée. Que de choses à apprendre !
Nous sommes tous des écoliers émerveillés avec regain de souvenirs d’enfance quand nous avons chanté dans le car ou à la veillée…
Resterait à retracer le souvenir de notre dernière nuit à Matmata dans le cadre assez stylé par l’architecte qui a conçu le Dar Matmata même si on y trouve à redire surtout pour une piscine totalement délaissée et abandonnée. Et soudain me revient le souvenir d’une audacieuse et joyeuse baignade dans les eaux chaudes de l’oasis…
J’étais émerveillée de mon réveil après ce voyage, émerveillée directement, réconciliée avec la vie par ce “transport en commun”.
Nos yeux étaient remplis de beauté (en nature et en esprit), beautés aussi saisissantes que celles du côté Ouest par Tozeur, Tamerza, Midès… c’est une autre histoire!
Avec les voyages, on peut créer, recréer tous les liens de l’amitié, de la culture et du partage.
C’est mardi 20 Novembre 2018. Journée du Mouled, la tournée de mes bonnes voisines.
Je me suis réveillée d’un bon pied (je ne sais lequel), apte et disposée à nourrir les trois chats de la maisonnée et même les trois chiots de notre bonne gardienne éborgnée par un tir de travers une certaine nuit de gabégie; je l’appelle Chanel car elle a de l’élégance en beige (son poil ras) et c’est proche de Cannelle à la fois pour la couleur et l’amitié que j’ai eue pour une chatte affectueuse et sensible que j’avais avant.
On est dans la suite du bonheur et la fête et aussi de la nostalgie.
Anne-Marie El Khatib
Pour Français du monde – ADFE – Tunisie
Novembre 2018
ECRIRE (Charles Aznavour)
Rêver, chercher, apprendre
N’avoir que l’Ecriture pour Maître et pour Dieu
Tendre à la perfection à s’en crever les yeux
Choquer l’ordre établi pour imposer ses vues
Pourfendre
Choisir, saisir, comprendre
Remettre son travail cent fois sur le métier
Salir la toile vierge et pour mieux la souiller
Faire hurler, sans pudeur, tous ces espaces nus
Surprendre
Traverser les brouillards de l’Imagination
Déguiser le réel de lambeaux d’abstractions
Désenchaîner le trait par mille variations
Tuons les habitudes
Changer, créer, détruire
Pour briser les structures à jamais révolues
Prendre les contrepieds de tout ce qu’on a lu
S’investir dans son Œuvre à cœur et corps veux-tu
Ecrire la peur de sueur, d’angoisse,
Souffrant d’une étrange langueur
Qui s’estompe parfois mais qui refait bientôt surface
User de sa morale en jouant sur les mœurs et les idées du temps
Imposer sa vision des choses et des gens
Quitte à être pourtant maudit
Aller jusqu’au scandale
Capter sans relâche et la forme et le fond
Et puis, l’œuvre achevée, tout remettre en question
Déchiré d’inquiétude
Souffrir, maudire
Réduire l’art à sa volonté brûlante d’énergie
Donner aux sujets morts comme un semblant de vie
Et lâchant ses démons sur la page engourdie
Ecrire, écrire
Ecrire comme on parle et on crie
Il nous restera ça
Il nous restera ça …