Un peu d'histoire associative et législative
Un combat validé – enfin ! – par le conseil constitutionnel.
Une loi ayant permis pendant plus de vingt ans, uniquement aux Français du sexe masculin, de choisir de conserver la nationalité française lors de l’acquisition d’une nationalité étrangère est contraire à l’article 6 de la Déclaration de 1789 et à l’alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946.
En vertu de cette loi, certaines des premières militantes de notre association avaient perdu leur nationalité française en acquérant volontairement la nationalité tunisienne. Pour la majorité d’entre elles, diplômées, il s’agissait avant tout de pouvoir exercer leur profession d’enseignantes dans la fonction publique de leur pays de résidence ou dans le secteur libéral comme médecins.
Plusieurs dizaines de nos compatriotes avaient ainsi dû batailler pour récupérer leur nationalité. Certains s’en souviennent. Et leurs descendants, ainsi que tous ceux qui ne sont pas des « Français d’origine contrôlée », ne doivent pas oublier ; aujourd’hui, la résurgence de slogans que nous pensions définitivement oubliés, la montée des extrémismes, doivent susciter notre vigilance.
Le Conseil constitutionnel, par décision du 9 janvier 2014, a censuré cette discrimination dont ont été victimes les femmes, entre juin 1951 et l’entrée en vigueur de la loi du 9 janvier 1973.
Rappelons que la loi du 9 janvier 1973 modifie le code de la nationalité pour tenir compte de l’accession à l’indépendance de la plupart des territoires qui constituaient l’Union Française. Il admet la pluri-nationalité et permettra d’être désormais français ET tunisien, par exemple.
Le code de la nationalité a été ainsi harmonisé avec les grandes réformes du code civil, qui consacre l’égalité des époux dans le mariage et celle des enfants légitimes et naturels.
Précisions juridiques
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française avait été promulguée. Le code stipule dans son article 87 : “Perd la nationalité française, le Français majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère.“
Cependant, l’article 9 de l’ordonnance, en vigueur entre le 1er juin 1951 et le 9 janvier 1973, opérait une distinction entre les hommes et les femmes. Ainsi, les femmes perdaient automatiquement la nationalité française à la suite de l’acquisition volontaire de la nationalité étrangère. En revanche pour les hommes jusqu’à l’âge de 50 ans, la perte de la nationalité française résultant de l’acquisition volontaire d’une autre nationalité était subordonnée à une autorisation du gouvernement. Par cette disposition, le législateur avait entendu maintenir non seulement la règle empêchant les Français du sexe masculin d’échapper aux obligations du service militaire, mais également permettre à tous les Français du sexe masculin ayant acquis la nationalité étrangère pour exercer une activité économique, sociale ou culturelle à l’étranger de conserver la nationalité française.
Le 9 janvier 2014, le Conseil constitutionnel censure les mots « du sexe masculin », figurant au premier et troisième alinéas de l’article 9 de l’ordonnance du 19 octobre 1945 (rédaction résultant de la loi n° 54-395 du 9 avril 1954 modifiant l’article 9).
En effet, en réservant aux Français du sexe masculin (quelle que soit leur situation au regard des obligations militaires) le droit de choisir de conserver la nationalité française lors de l’acquisition d’une nationalité étrangère, les Sages considèrent que les dispositions contestées instituent entre les hommes et les femmes une différence de traitement sans rapport avec l’objectif poursuivi.
Ainsi, la différence instituée par les dispositions contestées méconnaît les exigences du principe d’égalité devant la loi (Déclaration de 1789, art. 6) et du principe d’égalité des sexes (Préambule de la Constitution de 1946, al. 3).
Portée de la déclaration d’inconstitutionnalité
La déclaration d’inconstitutionnalité, qui prend effet à compter de la date de la publication au Journal officiel, peut être invoquée par les seules femmes ayant perdu la nationalité française par application des dispositions de l’article 87 du Code de la nationalité entre le 1er juin 1951 et l’entrée en vigueur de la loi du 9 janvier 1973. Par ailleurs, les descendants de ces femmes peuvent également se prévaloir des décisions reconnaissant, compte tenu de cette inconstitutionnalité, que ces femmes ont conservé la nationalité française. Cette déclaration d’inconstitutionnalité est applicable aux affaires nouvelles ainsi qu’aux affaires non jugées définitivement à la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel.
Source :
actu.dalloz-etudiant.fr
Mise à jour 28 août 2018