Les enfants recueillis légalement (kafala) par des Français établis hors de France peuvent enfin acquérir la nationalité française

Merci à notre sénateur Jean-Yves Leconte pour cet exposé exhaustif que nous reproduisons ici.
Mars 2016, mise à jour septembre 2018

Les modalités d’accès à la nationalité française d’un enfant élevé par des Français diffèrent selon que cet enfant ait fait l’objet d’une adoption plénière, d’une adoption simple, ou d’un recueil légal.

La publication au journal officiel de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, qui vient notamment de modifier notre législation concernant l’acquisition de la nationalité française pour les enfants recueillis légalement par des Français, y compris lorsqu’ils résident à l’étranger, est l’occasion de faire un point sur les diverses situations et dispositions légales applicables.

  1. Un enfant adopté sous la forme plénière par un Français est français par filiation. Il est considéré comme français dès sa naissance et n’a pas à réclamer cette qualité. (article 18 du code civil)
  2. L’adoption simple, quant à elle, n’exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité de l’adopté. (article 21 du code civil
    L’enfant, qui a fait l’objet d’une adoption simple par un Français doit donc la demander en faisant une déclaration de nationalité
    Il doit pour cela résider en France au moment de la déclaration, sauf s’il s’agit d’un enfant adopté par un Français qui n’a pas sa résidence habituelle en France
    L’adoptant doit avoir été Français à la date de l’adoption (mais peu importe qu’il soit devenu étranger par la suite). 
    Cette possibilité relève de l’article 21-12 du code civil.
  3. Le recueil légal d’un enfant par un Français

    Jusqu’à présent pouvait, dans les mêmes conditions que l’enfant faisant l’objet d’une adoption simple, réclamer la nationalité française l’enfant qui, depuis au moins cinq années, était recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française (ou qui, depuis au moins trois années, était confié au service de l’aide sociale à l’enfance).

Cela signifie que les enfants recueillis par des Français établis hors de France ne pouvaient pas prétendre à la nationalité faute de résider sur le territoire français. Or, il existe des cas où la loi nationale de l’enfant interdit l’adoption, et ne permet que des recueils légaux (sans impact sur la filiation). C’est en particulier le cas des enfants de statut personnel issu du droit musulman, qui peuvent être recueillis par un acte de Kafala. [Voir bas de page note 1]. Pour le cas spécifique de la Tunisie, cliquer ici

Pour ces enfants, il existait donc une différence de traitement injustifiée selon que les parents qui les avaient accueillis résident en France ou hors de France.

Le 15 mars 2016 est entrée en vigueur la loi relative à la protection de l’enfant, qui dans son article 42 prévoit désormais que l’acquisition de la nationalité française par déclaration est ouverte à l’enfant qui “depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l’aide sociale à l’enfance

La durée du recueil est donc réduite de 5 à 3 ans et surtout la résidence en France n’est plus exigée, ce qui constitue un réel progrès pour les enfants recueillis par des Français établis à l’étranger.

Cette suppression de la condition de résidence est le fruit d’un amendement que j’avais co-signé avec mes collègues sénatrices et sénateurs socialistes représentant les Français établis hors de France, et qui avait été adopté au Sénat en dépit de l’avis défavorable du gouvernement.

L’enfant peut donc désormais, jusqu’à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu’il réclame la qualité de Français.

L’article 26 du code civil dispose : “Les déclarations de nationalité souscrites en raison soit du mariage avec un conjoint français, en application de l’article 21-2, soit de la qualité d’ascendant de Français, en application de l’article 21-13-1, sont reçues par l’autorité administrative. Les autres déclarations de nationalité sont reçues par le greffier en chef du tribunal d’instance ou par le consul. Les formes suivant lesquelles ces déclarations sont reçues sont déterminées par décret en Conseil d’Etat.
Il en est délivré récépissé après remise des pièces nécessaires à la preuve de leur recevabilité.”

Procédure à suivre

Concrètement, pour les Français établis hors de France, il appartient donc à l’enfant (son représentant légal avant ses 16 ans, ou l’enfant lui-même s’il a plus de 16 ans) de se rapprocher du poste consulaire compétent afin de demander à souscrire une déclaration de nationalité (sur le fondement du nouvel alinéa 4 de l’article 21-12 du code civil).

Il convient évidemment de remplir les conditions requises :
– être recueilli par décision de justice
depuis au moins 3 années
– et faire la demande avant les 18 ans de l’enfant.

Le poste lui remettra la liste des pièces à fournir, et après remise des pièces nécessaires, l’intéressé se verra délivrer un récépissé dans l’attente de l’enregistrement de sa déclaration.

Si les conditions sont remplies et que l’enregistrement est accepté, une copie de la déclaration sera remise au déclarant revêtue de la mention de l’enregistrement.

Enfin, il est à noter qu’une fois français, l’enfant pourra être adopté par les parents qui l’ont recueilli, s’ils le souhaitent, la loi nationale de l’adopté deviendra en effet la loi française qui autorise l’adoption.

[1] Notons que la Circulaire du 22 octobre 2014 relative aux effets juridiques du recueil légal en France rappelle (p. 4) que : « La décision judiciaire de recueil légal est, comme toute décision relative à l’état des personnes, reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n’est pas contestée. » Par conséquent, l’administration ne devrait pas exiger de décision d’exequatur d’une kafala judiciaire afin que cette décision étrangère puisse être reconnue de plein droit en France.