Groupe Français du Monde-Ecologie et Solidarité
12 Mars 2019
Disons-le simplement, nous refusons de nous insérer dans la commande présidentielle du doublement des effectifs dans les établissements d’enseignement français à l’étranger à coûts constants pour l’Etat. Notre postulat de départ n’est pas animé par le conservatisme et n’est pas un repli sur soi. Nous voulons le développement du réseau, qu’il remplisse pleinement sa double mission de scolarisation des enfants français à l’étranger avec la plus grande équité et mixité sociale possible et de rayonnement de la France.
Mais ce développement est celui d’un service public dans lequel l’Etat investit. Toute trajectoire de privatisation du réseau nous semble contre-productive à moyen terme. Nous parlons ici aussi de rationalité financière. Comme pour toute privatisation, quand on brade un service public de qualité au privé, tôt ou tard, c’est le contribuable qui en fait les frais.
Certains groupes privés s’affairent en ce moment autour du “produit” de l’enseignement français à l’étranger et l’Etat s’empresse de lui offrir des “parts de marché” afin de remplir la commande du doublement à coûts constants. Or ces groupes ne sont pas là par philanthropie. Tôt ou tard, il est à craindre qu’ils chercheront la rentabilité maximum, le retour sur leur investissement du moment, laissant les familles dans le désarroi.
D’ores et déjà, ces groupes sont attirés par l’homologation précoce que l’Etat leur offre sur un plateau sans attendre d’avoir même ouvert leurs portes, celle qui donne l’accès aux bourses scolaires dès l’ouverture pour leurs élèves.
Par ailleurs, ils veulent bénéficier de la présence d’enseignants titulaires de l’Education Nationale qui font la qualité actuelle du réseau, quitte à les débaucher.
Nos 30 propositions pour le développement d’un service public de qualité d’enseignement français à l’étranger
Prospection :
1- Donner aux SCAC (Services de Coopération et d’Action Culturelle des ambassades) les moyens humains et matériels de réaliser partout une analyse poussée des capacités de développement de nouveaux établissements et de renforcement de ceux existants, afin qu’ils procèdent à des analyses fines de la présence des communautés françaises et leurs souhaits pour la scolarisation de leurs enfants, notamment les usagers du CNED (Centre National d’Enseignement à Distance).
Coopération éducative :
2- En s’appuyant sur les conseils consulaires sur l’enseignement, rechercher les synergies entre les différents réseaux : enseignement français, enseignement en français (bilingues), enseignement du français.
3- Rechercher des partenariats étatiques afin d’ouvrir davantage l’enseignement français aux pays francophones et de l’UE (avec en retour, possibilité d’ouvrir le système des bourses scolaires aux Etats qui prendraient part au financement du réseau)
Mais que se passera-t-il lorsque ces établissements auront atteint leur vitesse de croisière ? Comme toute entreprise privée, la recherche de profits, la réduction des coûts et l’augmentation des marges seront à l’ordre du jour. La qualité baissera ou les frais de scolarité s’envoleront et la mission de service public sera dévoyée. Soyons-en sûrs, l’Etat sera alors appelé à la rescousse. Nous refusons ce pari hasardeux.
Homologation :
4- Respecter pleinement les délais et les critères d’octroi de l’homologation.
5- Y rattacher des critères de bonne gestion, notamment sur la trajectoire des frais de scolarité.
6- Refuser les homologations de nouveaux établissements qui mettraient en péril un établissement conventionné ou EGD (Etablissement en Gestion Directe) déjà installé.
Statut des établissements :
7- Privilégier systématiquement les associations parentales gestionnaires en leur offrant du conseil gratuit via les services de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger (AEFE), pour la création de leur école ou leurs projets immobiliers et à court terme le conventionnement avec l’AEFE.
8- Cesser de s’interdire le passage en gestion directe des établissements parvenus à une taille imposant des prises de responsabilité trop importantes pour des parents bénévoles, s’ils le souhaitent.
Ressources humaines :
9- Les postes de direction (proviseur, DAF et parfois directeur d’école primaire) doivent être occupés par des expatriés.
Enseignants résidents et recrutés locaux :
10- Viser l’équité entre les établissements avec un objectif de présence d’au moins 50% de titulaires dans tous les établissements du réseau.
11- Pour cela, revoir l’ISVL afin que les établissements déficitaires deviennent attractifs.
12- Permettre le financement des déménagements des familles des enseignants comme facteur d’attractivité.
13- Offrir la gratuité pour la scolarisation de leurs enfants.
14- Supprimer du plafond d’emploi les recrutés locaux dans les EGD.
15- Établir une trajectoire de détachements avec le MEN afin de suivre le développement des établissements.
16- Permettre aux recrutés locaux de réaliser leurs stages et leurs premières années de service à l’étranger.
17- Accentuer la formation de ces titulaires récents avec des stages courts en France.
18- Abonder le budget de la formation continue.
19- Pour les titulaires, privilégier le statut de résidents.
20- Mieux doter le corps d’inspecteur auprès de l’AEFE afin que tous les enseignants puissent être régulièrement évalués.
Dotation budgétaire du réseau :
21- Abonder le financement de l’AEFE afin de couvrir la dépense réelle de la part patronale des pensions civiles et accrocher cette subvention aux évolutions du réseau.
Bourses scolaires :
22- Ancrer les Quotients maximum et minimum du barème des bourses scolaires aux évolutions des frais de scolarité.
23- Rester dans une logique de besoins et non d’enveloppe afin que toutes les familles allocataires puissent envisager sereinement un parcours scolaire complet dans le réseau.
24- Associer les conseillers consulaires au dialogue de gestion.
Place des parents :
25- Augmenter leur représentation au Conseil d’Administration de l’AEFE.
26- Leur confier une compétence d’avis obligatoire sur les budgets des établissements.
27- Les associer à un comité de suivi budgétaire préalable avec les élus consulaires.
28- Instituer des partages d’expériences fréquents entre l’AEFE et le Ministère de l’Education Nationale (politique d’apprentissage des langues et d’intégration des non francophones, enseignement professionnel, inclusion…)
Attractivité et accès à l’enseignement supérieur en France :
29- Instituer dans chaque université un référent administratif d’accueil pour les étudiants nouvellement inscrits venant de l’étranger avec un guichet unique université-logement-CROUS-conditions de séjour.
30- Accélérer l’instruction des dossiers et les versements des bourses CROUS pour que l’étudiant(e) perçoive un premier versement dès le mois de septembre.
Non à la privatisation du réseau d’enseignement français à l’étranger
Communiqué : En attendant la réforme…
Mars 2019
Le Président de la République a fixé l’objectif de doublement des effectifs dans les établissements français à l’étranger, il a annoncé une réforme de l’AEFE (agence pour l’enseignement français à l’étranger) mais, force est de constater que le gouvernement tarde à assumer son positionnement politique.
En attendant cette réforme, comme d’autres, annoncées qui ne viennent pas, une politique bien réelle se met en place. Le groupe FDMES s’inquiète de ce décalage entre les constats faits sur le terrain et l’opacité sur l’avancement de la réforme.
Plusieurs rapports ont été récemment remis, parmi lesquels celui, dense, de la députée LREM Samantha Cazebonne ou le rapport interministériel qui n’a toujours pas été rendu public.
Nous constatons que la privatisation du réseau est bien amorcée par endroits avec ce qui ressemble à des pré-homologations accordées très rapidement à des entreprises privées. Pourtant, le rapport Cazebonne, sur lequel nous sommes invités à nous focaliser, présente une vision beaucoup plus rassurante puisqu’il propose de fixer un taux minimum de personnels titulaires dans les critères de validation et de suivi de l’homologation (recommandation n°45), d’encourager le rachat des cotisations retraite pour les personnels en disponibilité (recommandation n°46) ou d’inciter à publier des trajectoires triennales des frais de scolarité (recommandation n°126), propositions que nous partageons mais qui semblent déjà dépassées par les réalités locales.
L’Etat encourage le développement d’écoles par des réseaux complètement privés tels « Odyssey », face à des EGD (établissements en gestion directe) ou des conventionnés qui pourraient prendre en charge le développement. Dans le même ordre d’idées, le rapport Cazebonne élude largement la question de la diversité des statuts des établissements, ne manifeste pas même un minimum d’attachement à la gestion de nouveaux établissements partenaires par des associations parentales comme critère salutaire et centre la question du développement du réseau sur une cartographie qui serait réalisée en fonction des besoins diplomatiques de la France et de la présence de communautés françaises, ce qui reviendrait à abandonner les zones dites non prioritaires à la stagnation (recommandations n° 2 ,3,5,7,…).
En général, nous nous inquiétons du décalage entre les perspectives budgétaires du MEAE et l’objectif de développement. Les bonnes idées ne manquent pas dans le rapport Cazebonne (recommandations n°3-30) : amélioration des coopérations éducatives entre tous les acteurs de l’enseignement, analyse des perspectives de développement, recherches de partenariats scolaires avec les Etats volontaires.
Mais comment y parvenir avec des services culturels en sous-effectifs, sans moyens ? Et comment l’AEFE pourrait-elle aborder le développement de son réseau avec une augmentation de budget proposée de 3,8 M€ ?
Enfin, comment pourrait-on développer le réseau en dégradant les conditions statutaires des personnels ?
La nécessité d’équité entre les établissements pour ce qui est du nombre de titulaires est pointée par le rapport Cazebonne et il faut y répondre. Mais pourquoi ne pas donner d’abord leur chance aux mesures incitant à la mobilité comme la révision de l’ISVL (indemnité spécifique de vie locale), la prise en charge des frais de déménagement ou la gratuité pour les enfants des résidents plutôt que de vouloir imposer une mobilité qui ne tienne pas compte de la vie personnelle des enseignants (recommandation n°101)
Mettre en concurrence les enseignants anciens résidents et multiplier encore les statuts avec des détachements directs dans les EGD et les établissements conventionnés risque d’être contre-productif. Penser que le Lycée de Mexico puisse être un modèle alors que la crise qu’il a traversée n’a pu être surmontée que grâce à des conditions très particulières, une forte demande d’enseignement, un lycée de plus de 3 500 élèves et une mobilisation de fonds très importante (recommandation n°100) est inopérant. Enfin, la place des parents d’élèves doit être effectivement renforcée au CA de l’AEFE et la transparence des décisions budgétaires de l’Agence et des directions d’établissements leur est due. Par contre, soumettre à leur avis le prolongement des contrats de résidents au-delà de six ans c’est franchir une ligne jaune difficilement acceptable (recommandation n° 125). “On ne s’improvise pas pédagogue”, selon Madame Cazebonne, et le recrutement doit rester le domaine réservé des commissions paritaires. Ce n’est pas rendre service aux parents que de leur faire endosser de telles responsabilités.
Le groupe FDMES souhaite que la politique du gouvernement soit d’abord lisible et transparente et bien entendu cohérente. Il fera des propositions prochainement. L’attractivité du réseau des établissements français à l’étranger, ce “produit” qui commence à beaucoup plaire à des entreprises privées, c’est celle de l’enseignement public français. La demande de cet enseignement est en hausse dans le monde. Il participe à l’attractivité économique et culturelle de la France. Le développer est un investissement pour la France. Le brader au secteur privé serait une grave erreur.